L’agence Ukrinform, fondée en 1918, en a connu d’autres, survivant à la période soviétique et aux gouvernements corrompus des premières années de l’indépendance ukrainienne. Depuis la révolution de Maïdan en 2014, l’équivalent à Kiev de l’Agence Ivoirienne de Presse (AIP), qui emploie environ 300 journalistes, s’étaient affirmé comme un média indépendant de l’État. Ukrinform s’est alors imposé comme une source d’information de référence, rapporte un correspondant de RFI à Kiev.
Un officier militaire à la tête d'une agence de presse
Il y a six mois, un gestionnaire proche de l’entourage de Volodymyr Zelensky y a été nommé directeur. Oleksiï Matsouka a provoqué un conflit avec les journalistes en introduisant une forme de censure, pour mettre en valeur l’action du gouvernement et en interdisant de citer certaines sources, notamment d’opposition.
Mais cette semaine, c’est un militaire qui a été nommé à la tête de Ukrinform. Serguiï Tcherevaty est un spécialiste de la communication officielle. Cela pourrait mettre en péril l’exercice d’un journalisme équilibré.
Depuis plusieurs mois, les critiques fusent en Ukraine contre les tentatives de l’administration présidentielle de contrôler l’information télévisée. Cela alors que plusieurs médias témoignent d’intimidations dès qu’ils effectuent un travail sur les sujets qui fâchent.
Jeudi 30 mai, des députés et journalistes ont réclamé une enquête sur un scandale lié aux pratiques d’Oleksiï Matsouka. Des soupçons qui ne se sont qu’empirées après son remplacement par Serguiï Tcherevaty, au point que les appels à une intervention du Parquet pour lancer une enquête se sont multipliés. « Je prépare des appels appropriés au Conseil national de la télévision et de la radiodiffusion et au bureau du procureur général », a indiqué sur les réseaux sociaux Iaroslav Iourtchychyne, à la tête d'une commission parlementaire sur la liberté d'expression.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et son entourage ne détestent rien de plus que les critiques : c’est un fait connu à Kiev. Mais ses conseillers prennent un risque très élevé en tentant d’exercer un contrôle sur une presse ukrainienne, qui se caractérise par sa liberté et sa capacité à remettre les dirigeants à leur place.
Faire pression sur les journalistes est un crime
La censure est également un sujet sensible en Ukraine dans son ambition d’intégrer l’Union européenne et l’Otan : Kiev a promis de mener des réformes, notamment en ce qui concerne la liberté de la presse.