Charaf Louhmadi est consultant, chroniqueur & auteur d’ouvrages intervenant au sein du pôle Léonard de Vinci, ainsi qu’à IMT Atlantique. Il publie des chroniques économiques et financières pour la presse espagnole et portugaise dans « RankiaPro Europe Magazine». Dans une publication diffusée dans les colonnes de l'hebdomadaire marocain Challenge, il revient sur la nature des relations entre le Maroc et le Fonds Monétaire International . Nous vous proposons un pan de celle-ci.
Cette ligne de crédit est considérée par les autorités marocaines comme étant un dispositif de précaution, et par conséquent sera déclenchée en cas d’aggravation de la situation économique du pays. Le montant approuvé par le conseil d’administration du FMI équivaut à 417% de la quote-part adressée au Royaume. Un communiqué du FMI, paru le 6 mars dernier, annonçait déjà des éléments concernant les discussions préliminaires avec le Maroc en vue du déblocage de la LCM. La Directrice générale, Kristalina Georgieva, a déclaré vouloir appuyer cet accord en faveur du Royaume.
L’économie marocaine, bien que résiliente, demeure fragile
L’économie marocaine, bien que résiliente, demeure fragile compte-tenu de la conjonction des crises auxquelles elle fait face ; l’inflation galopante d’une part qui touche entre autres les produits alimentaires et le secteur de l’énergie et des hydrocarbures, d’autre part la sécheresse qui sévit du fait du faible taux de précipitation durable lors des dernières années.
L'impact de la pandémie
On note également les impacts de la pandémie qui ont mené à une récession en 2020, mais également la fragilisation de l’économie de l’Union Européenne, un des principaux partenaires économiques du Royaume, due aux conséquences de la guerre en Ukraine et des effets post-pandémiques. Cette vulnérabilité économique nationale justifie par ricochet le recours à ce type de dispositif.
Distinguo LPL / LCM
Les deux dispositifs de financement LCM (Ligne de crédit modulable) et LPL (Ligne de précaution de liquidité) sont des instruments quasi-similaires mis en place par le FMI ; ils permettent tous les deux, de faire face aux situations de crises. Les divergences se situent au niveau des critères d’éligibilité. La LPL s’adresse aux pays membres du FMI présentant des facteurs de vulnérabilité macro-économique ne leur permettant pas d’accéder à la LCM. A contrario, la ligne de crédit modulable est destinée aux pays membres disposant d’une solide politique budgétaire et monétaire et ayant fait preuve de résilience face aux crises antérieures. Le Maroc est le sixième pays ayant fait appel à ce dispositif après le Mexique, le Pérou, la Pologne, la Colombie et le Chili. D’après le FMI, aucun de ces pays membres n’a enclenché de tirage sur la ligne.
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Des critères d'éligibilité
De nombreux critères d’éligibilité (à la LCM) ont été mis en place par le FMI, ils incluent entre autres :
-La bonne santé des finances publiques et une dette publique contenue
-Le bon déroulement d’accès aux marchés internationaux (ce qui est le cas pour le Maroc avec ses récentes levées obligataires)
-La transparence dans la communication de statistiques nationales
-La mise en place du pays-candidat à la ligne, d’audits réguliers de son secteur financier
-Des réserves de change acceptables malgré la potentielle vulnérabilité justifiant la demande
Rappelons qu’avant de recourir à la LCM, le Maroc a d’ores et déjà bénéficié de quatre accords au titre de la LPL, approuvés respectivement en août 2012, juillet 2014, juillet 2016 et décembre 2018. Le dernier a maturé le 7 avril 2020 lorsque le Maroc a procédé au tirage des ressources disponibles pour faire face à la pandémie de la COVID-19. En outre, la LCM tout comme la LPL, a un coût, une charge en intérêt et commissions subdivisés en plusieurs couches :
-Le taux d’intérêt du prêt auquel s’ajoute une marge dite « commission de base » et fixée actuellement à 1% du montant du prêt.
-Une commission dite « additionnelle » valant 2% de l’encours si ce dernier dépasse 187,5% de la quote-part du pays bénéficiaire. (Remarque : le Maroc a dépassé ce seuil). La « commission additionnelle » passe à 3% de l’encours du prêt si ce dernier reste supérieur à 187,5% après trois années.
PAK