Politique

Élections locales en Côte d’Ivoire : La "demi-finale" à deux ans de la présidentielle

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Ce scrutin du 2 septembre 2023 a valeur de test grandeur nature pour les prochaines présidentielles de 2025. (Ph: Dr).
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Des élections municipales et régionales ont lieu samedi en Côte d’Ivoire pour désigner les conseillers dans 201 communes et 31 régions. À deux ans de la présidentielle, ce scrutin doit permettre de jauger l’assise locale du camp présidentiel ainsi que les chances des deux principaux partis d’opposition, qui tentent d’affiner leur stratégie pour 2025.

Quelque 8 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, samedi 2 septembre en Côte d’Ivoire, pour renouveler leurs conseillers municipaux et régionaux.

Le parti du président Alassane Ouattara, le Rhdp (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), fait face aux deux principales forces d’opposition que sont le Pdci-Rda (Parti démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement démocratique africain), du défunt Henri Konan Bédié – décédé à seulement quelques semaines du scrutin – et le Ppa-Ci (Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire) de l’ancien président Laurent Gbagbo, créé en 2021 après son retour dans le pays, selon une analyse du site de France 24.

30 419 candidats concourent pour les municipales dans 201 communes, et 5 247 pour les régionales dans 31 régions.

À deux ans de la présidentielle de 2025, ce scrutin à valeur de test pour le président Ouattara, réélu en 2020 pour un troisième mandat.

Ces élections interviennent également dans un moment de recomposition politique pour les forces d’opposition, dont les performances seront scrutées comme un baromètre.

Le Rhdp en pole position

Lors des dernières échéances locales en 2018, le parti du président Alassane Ouattara avait remporté 60 % des conseils régionaux et 46% des communes, se classant très largement en tête.

À nouveau, le Rhdp est considéré comme le grand favori, porté par une croissance économique dynamique – 6,7 % en 2022 – et une politique axée sur le développement.

"Pour les élections locales, le Rhdp a plusieurs cartes à faire valoir : celle de l’économie mais aussi et surtout, ses succès en matière d’infrastructures qui se sont considérablement développées sous Ouattara et améliorent de manière concrète la vie à l’échelle des municipalités et des régions", analyse le chercheur ivoirien Arthur Banga, docteur en histoire des relations internationales de l'université Houphouët-Boigny, à Abidjan.

Parmi ces projets figurent l’autoroute Tiébissou-Bouaké et le nouveau pont reliant les quartiers de Cocody et du Plateau à Abidjan, tous deux inaugurés en août, ou encore l’usine d’eau potable de la Mé, plus grande infrastructure du genre en Afrique de l’Ouest, en service depuis juin. 

Mais d’autres raisons, moins glorieuses, permettraient également d’expliquer ce statut de favori dont jouit le Rhdp dans les urnes.

"Les ministres peuvent concourir en tant que tels dans ces élections, ce qui leur donne un avantage en termes d’image mais aussi de financement pour leurs campagnes", souligne Arthur Banga. 

L’opposition, de son côté, accuse la Commission électorale indépendante d’être trop proche du pouvoir et fustige un découpage électoral qui, selon elle, favorise le Rhdp.

Une opposition ivoirienne en recomposition

"Pour le parti au pouvoir, l’enjeu est de montrer qu’il est le plus implanté possible et d’arracher quelques bastions à son adversaire, le Pdci-Rda, arrivé deuxième aux élections de 2018", explique Arthur Banga.

C’est le cas notamment dans la région du Bélier (centre du pays), convoitée par le président du Sénat Jeannot Ahoussou-Kouadio, et dans la commune de Yamoussoukro, la capitale, où concourt le ministre du Commerce, Souleymane Diarrassouba.

Pour faire face, les deux principaux partis d’opposition, le Pdci-Rda, classé à droite, et le Ppa-ci, à gauche, ont conclu en juillet une alliance partielle pour présenter des candidats communs dans plusieurs municipalités ou régions. "Cette alliance est purement électoraliste : ces deux partis ne sont pas sur la même ligne idéologique", observe Sylvain N'Guessan, analyste politique et directeur de l’Institut de Stratégies d’Abidjan. "Mais pour l’opposition, ces élections sont un enjeu vital", poursuit-il. "Elles vont permettre d’évaluer ce que vaut le PDCI-RDA post-Bédié ainsi que le PPA-CI de Laurent Gbagbo, dont le parti a fait un score honorable aux législatives de 2021 et doit désormais confirmer l’essai".

À un mois du scrutin, le Pdci-Rda a perdu son chef, l’ancien président Henri Konan Bédié, à l’âge de 89 ans, à la tête du parti depuis 1994. "Cette disparition pourrait affaiblir le parti ou bien au contraire galvaniser ses soutiens dans un contexte politique difficile car plusieurs de ses membres ont rallié ces dernières années la majorité", analyse Sylvain N'Guessan.

Cette compétition électorale a également valeur de test pour le processus de réconciliation nationale d’Alassane Ouattara, deux ans après le retour en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo.

À l’approche des élections locales, Laurent Gbagbo a affirmé qu’il ne boycottera plus les scrutins électoraux, comme ce fut le cas après son arrestation en 2011, estimant que cette stratégie avait causé beaucoup de tort à son parti.

Blanchi par la Cour pénale internationale après près de dix ans d’emprisonnement, l’ancien président est rentré dans son pays en 2021 à la faveur d’une grâce présidentielle.

La présidentielle 2025 en ligne de mire

Autre enjeu, et non des moindres : les résultats des élections municipales et régionales doivent permettre aux différents partis d’affiner leur stratégie en vue de l’élection présidentielle. "Cette compétition électorale est perçue comme la demi-finale du scrutin de 2025", souligne Sylvain N'Guessan.

"Pour Alassane Ouattara, c’est une manière de tester sa popularité. Du côté de l’opposition, les résultats dans les localités où le Pdci-Rda et le Ppa-ci s’affrontent, comme dans les communes de Cocody et du Plateau ou dans la région du Guémon, seront particulièrement scrutés. Ils pourraient permettre départager ces deux partis ou bien, au contraire, favoriser la stratégie d’alliance pour la présidentielle si leurs candidats se font laminer par le Rhdp".

Réélu en 2020 dans un contexte social tendu pour un troisième mandat, le président Alassane Ouattara, 81 ans, n’a pas encore fait part de ses intentions pour 2025.

Selon le Conseil constitutionnel, il est en droit de se présenter, la nouvelle constitution de 2016 ayant remis le conteur des mandats présidentiels à zéro, ce que conteste l’opposition.

"Dans son parti, plusieurs noms circulent comme potentiels successeurs, dont celui du Premier ministre Patrick Achi ou bien le président de l’Assemblée nationale Adama Bictogo. Mais encore faut-il que ceux-ci remportent les élections locales dans leurs fiefs, sans quoi leurs chances seraient compromises", commente Sylvain N'Guessan.

Le Pdci-Rda, de son côté, s’est doté d’un président par intérim, l’ancien maire de Bouaflé, Alphonse Kwassi Cowppli-Boni, âgé de 91 ans, en attendant l’élection d’un nouveau chef, prévue au plus tard début 2024.

Laurent Gbagbo laisse pour sa part planer le suspense sur une éventuelle candidature, bien qu’il a été radié des listes électorales du fait de sa condamnation dans l’affaire du "Casse de la Bceao". 

L’ancien président a récemment affirmé qu’être réélu président n’est "plus un obsession", tout en précisant qu’il ferait de la politique jusqu’à sa mort.

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En juin, il avait entrepris des démarches auprès de la Commission électorale indépendante (Cei) pour recouvrer ses droits civiques, en vain.

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