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Crise à la chefferie d’Adjamé-Bingerville : Pourquoi l'ancien chef Agbo Honoré doit être entendu

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L’ancien chef Agbo Honoré doit être entendu.
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Dans un dossier sur la crise à la chefferie d’Adjamé-Bingerville, mercredi 14 juin 2023, le quotidien L’inter y révèle avec force détails la responsabilité de l’ancien chef Agbo Honoré. Lequel, en violation des us et coutumes, aurait choisi Mobio Aboussou pour lui succéder. Vrai ? Faux ? Au-delà du « devoir de réserve » dans lequel s’est muré le concerné, nous avons tenté de cerner les éléments des graves accusations portées contre l’ancien chef.

Depuis le 27 octobre 2022, le fait est établi et jugé par la justice ivoirienne. Mobio Aboussou Georges Guy a été reconnu et condamné pour « usage irrégulier du titre de chef de village » à 6 mois de prison ferme. Libéré début mars 2023, l’homme est en attente de l’ouverture du deuxième dossier d’accusation pour « crime économique ». Toujours dans le cadre de l’«usage irrégulier du titre de chef de village » qui a noirci son casier judiciaire. 

Pour les faits, tous les éclairages auprès de la cour de Nanan Adékoi François et les éléments de preuves en possession de la justice s’accordent : le groupe qui a désigné, proclamé et tenté d’imposer Mobio Aboussou comme « chef du village d’Adjamé-Bingerville » n’a pas respecté l’ordre de Nanan, comme l’exige les us et coutumes de désignation du chef en pays atchan. Cependant, à la lueur du dossier réalisé par L’inter, l’on découvre que Mobio Aboussou a été « autorisé » à poser des « actes de gestion » du village, d’octobre 2019 à octobre 2022. C’est donc sur la base de ses « actes de gestions » qu’il a été condamné par la justice. 

Mais trois mois après sa sortie de prison et alors que le village est partagé entre l’attente du nouvel arrêté et l’ouverture du deuxième dossier d’accusation « pour crime économique » contre le « faux chef », des questions refont surface et enflamment les débats tant à la chefferie toujours tenue par l’honorable Awaka Agbo Ghisalain-Alfred qu’à la cour de Nanan Adékoi Francois. Qui avait « autorisé » Mobio Aboussou à poser des « actes de gestions » du village ? Quels sont de façon concrète ces « actes de gestion » ? Quelles sont les conséquences de ces « actes de gestions » sur le village ?...

Ces « actes de gestions » qui ont traumatisé le village

Résolument inscrits dans une logique de défiance au doyen du village, Nanan Adékoi François, Mobio Aboussou et son groupe avaient commencé par emménager au siège de la chefferie tenue pourtant par le chef Agbo Honoré toujours au pouvoir. Ensuite, une fois installé à la chefferie avec sa ‘’notabilité’’, Mobio Aboussou n’a ménagé aucun effort pour exercer et tenter d’imposer son ‘’pouvoir’’ dans le village. Et ce, même après que le chef du village, l’Honorable Awaka Agbo Ghislain, a été dûment désigné et légalisé avec la bénédiction de Nanan. Et la liste de ses « actes de gestion » que l’on ressasse encore à la cour de Nanan est loin d’être exhaustive. 

« Dans le commerce, les opérateurs qui refusaient de reconnaître Mobio Aboussou comme chef ont été violentés et leurs magasins fermés de force. Au cimetière du village, les hommes de Mobio Aboussou après s’être emparés des clés du site, imposaient aux familles endeuillées qui ne reconnaissaient pas leur champion comme chef du village le versement de 5 millions de FCFA avant toute inhumation. Et même les bâches des cérémonies funèbres que le doyen du village Nanan Adékoi avait interdites ont été autorisées », se rappelle-t-on encore. Sur le terrain et toujours dans cette dynamique de défiance à peine voilée, le camp Mobio Aboussou tenait également des rassemblements sur l’esplanade du domicile de Nanan Adékoi (Nanangbammin) et à la grande place publique (Gbékrékoumin), alors qu’une interdiction formelle avait été prise et diffusée par le Sous-Préfet d’alors.

 Dans le commerce, les opérateurs qui refusaient de reconnaître Mobio Aboussou comme chef ont été violentés et leurs magasins fermés de force. Au cimetière du village, les hommes de Mobio Aboussou après s’être emparés des clés du site, imposaient aux familles endeuillées qui ne reconnaissaient pas leur champion comme chef du village le versement de 5 millions de FCFA avant toute inhumation.

A cela, s’ajoute la perception des loyers des immeubles et magasins communautaires, le racket sur fond de menaces des opérateurs situés sur les terres du village. A la chefferie, l’on parle d’un total de 10 750 000 FCFA mensuels au titre des loyers que Mobio Aboussou et ses hommes percevaient indûment. Cet élément figurerait d’ailleurs dans les faits de « crime économique » auquel l’homme aura à répondre lors du procès prévu à cet effet. Mais à en croire les explications de la cour de Nanan, cela ne serait qu’une infime partie visible de l’iceberg de la crise qui secoue le village.

 

A la lueur des nouvelles révélations qui fusent, la crise à la chefferie du village n’en finit pas de livrer de nouveaux secrets. En effet, alors que sa responsabilité est ouvertement évoquée dans le choix de Mobio Aboussou et des « actes de gestion » qu’il a posé durant sa gouvernance illégale, le nom de l’ancien chef Agbo Honoré revient également dans un autre « crime » qui risque de mettre le feu aux poudre à tout moment. En effet, dans le village, ce n’est un secret pour personne que la caisse de la chefferie actuelle tenue par l’honorable Awaka Agbo Ghislain est vide. Ou du moins a été vidée. Officiellement pourtant, cette caisse avait été bien approvisionnée par la gouvernance Dougbo (dont M. Agbo Honoré était le chef) pour « accompagner » la gouvernance de la génération montante, les Tchagba.

« Mais jusqu’à ce jour, le chef Awaka n’a jamais eu accès à cet argent. Il se trouve que l’argent [environ 1 milliard de FCFA, Ndlr] a été transféré sur d’autres comptes inaccessibles à la nouvelle chefferie », apprend le Secrétariat général de la chefferie. Puis de rappeler cet épisode surprenant qui aura marqué la cérémonie de passation des charges avec la nouvelle chefferie en novembre 2021 : « Devant tout le monde, il a été demandé au Commissaire de Justice de bien mentionner dans son rapport que la chefferie sortante dirigée par le chef Agbo Honoré, ne laisse aucun sous dans la caisse ». 

Pourtant, quelques mois plus tôt, lors de la réunion-bilan tenue le 20 février 2020 et dont la presse a fait l’écho, le chef Agbo Honoré avait publiquement fait et présenté l’état des biens mobiliers et immobiliers du patrimoine du village qui s’élevait à plusieurs milliards de FCFA. A l’occasion, il avait même énoncé le budget qui avait été sécurisé pour la construction du futur palais digne du nom du village. « Jusqu’à ce jour, l’heure n’est même pas encore à la pose de la première pierre de ce palais. Car, encore faut-il avoir de l’argent pour le faire. Il n’y en a pas… », se désole-t-on au Secrétariat de la chefferie.

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Tout ceci expliquerait-il les manœuvres sous-terraines de l’ancien chef Agbo Honoré pour installer et entretenir la ‘’rébellion’’ de son ‘’filleul’’ Mobio Aboussou dans le but de couvrir ses « crimes » ? Difficile pour l’instant d’entendre le concerné. Malgré les accusations directes et sans gants portées contre lui, l’homme reste muré derrière « le devoir de réserve que lui impose son statut d’ancien chef », pour reprendre les mots de cet ancien notable de la gouvernance Dougbo. Cependant, de nombreux indices laissent perplexe. Et les dernières révélations de L’inter tendent à renforcer cette conviction. 

En effet, le quotidien indépendant apprend que Mobio Aboussou et son groupe ont emménagé « de force » au siège de la chefferie en 2019. Mais alors que le mandat du chef Agbo Honoré courrait toujours, il n’a eu aucune réaction. Le chef qu’il était n’a surtout pris aucune disposition légale (comme la Loi le lui permettait) pour faire constater la « forfaiture » s’il estimait que ça en était une. « (…) avec le chef Agbo Honoré dont le mandat courait toujours, c’est le silence. Voire l’indifférence. A la cour, les nombreuses rencontres qu’il a avec Nanan Adékoi qui ne cache pas sa colère ne changent rien. A la chefferie, le chef Agbo Honoré semble même se complaire dans le bicéphalisme de fait à la tête du village », souligne L’inter. Chose que nous avons pu confirmer à la cour de Nanan. « Alors, qui mieux que le chef Agbo Honoré qui avait toutes les cartes en mains, était capable d’une telle forfaiture dont Mobio Aboussou n’est que la face visible ? » lâche ce notable de la chefferie, partagé entre le dépit et une sourde révolte. 

La parole libérée

C’est un fait. Depuis le dossier de L’inter, il y a comme un vent de libération de la parole qui souffle sur le village. Et de nouvelles révélations fusent et s’accumulent autour des tenants insoupçonnés de la crise qui a fracturé la communauté depuis la fin de la gouvernance Dougbo. Même après le nouvel arrêté du Préfet Goun Germain François réputé pour rester droit dans ses bottes quelles que soient les manœuvres sous-terraines, la messe ne sera pas totalement dite pour autant. 

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