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Mali : Wagner voit grand dans les mines d’or

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L'or du Mali est très convoité...(Ph: Dr).
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  Outre l’exploitation de plusieurs mines artisanales, le groupe russe entend passer à la vitesse supérieure. Avec un site industriel toujours dans le viseur et pas des moindres : celui de Loulo-Gounkoto, le plus productif du pays, exploité par le géant Barrick Gold.

Une fois de plus, les images ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Le 10 février, une chaine Telegram proche de Wagner relaie une photo de deux mercenaires blancs masqués marchant dans la mine d’Intahaka, le plus vaste site d’orpaillage artisanal du nord du Mali, à une quarantaine de kilomètres de Gao.

Un site difficile à sécuriser

Ils viennent d’en prendre le contrôle avec l’armée malienne, après avoir poussé les combattants du Groupe autodéfense touareg imghads et alliés (Gatia) vers la sortie. Ils y restent pendant quelques jours, puis repartent – sans doute en raison de la pression jihadiste sur un site à ciel ouvert difficile à sécuriser.

« Des hommes de Wagner ont un temps contrôlé l’accès à la mine, indique une source malienne. Ils faisaient payer un droit d’entrée pour les personnes qui venaient en extraire l’or. »

Les hommes de Wagner ont-ils eux mêmes récupéré de l’or sur place ?

À cette question, plusieurs sources locales répondent par l’affirmative, même si la quantité est impossible à chiffrer.

Ce n’est pas la première fois que des hommes de la société militaire privée russe – qui a été reprise en main par le Kremlin depuis la mort de son patron, Evgueni Prigojine, en août 2023 – prennent le contrôle de sites d’orpaillage artisanal au Mali.

Début 2023, ils avaient investi discrètement au moins trois mines au sud de Bamako : Balandougou, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec la Guinée ; Koyoko, un autre lieu d’orpaillage voisin, situé dans le cercle de Kangaba ; et un troisième site près de Yanfolila. Comme à Intahaka, ils n’y sont restés qu’un temps puis ont levé le camp.

Difficultés de paiement

Présent dans telle ou telle mine artisanale (et de manière désormais totalement assumée, comme cela a été le cas à Intahaka), Wagner n’a pas non plus abandonné ses ambitions dans le secteur industriel – un secteur autrement plus lucratif.

Objectif : enfin mettre sur pied un système de rémunération pérenne en échange de son déploiement au Mali.

Surtout après moult difficultés de paiement de la part de la junte au pouvoir à Bamako.

Après la création de deux sociétés minières locales, Alpha Development et Marko Mining, Sergueï Laktionov, le géologue en chef de Wagner au Mali, a plaidé en 2022 auprès des autorités de transition maliennes en faveur d’un schéma de nationalisation des mines d’or. Avec ses patrons, il entend récupérer les permis d’exploitation de gisements déjà opérationnels.

Écarter Barrick Gold ?

Parmi les trois sites qu’ils ont identifiés, un les intéresse tout particulièrement : celui de Loulo-Gounkoto, exploité par le géant canadien Barrick Gold. Composé des mines de Loulo et Gounkoto, il a produit 19,4 tonnes d’or en 2022, soit près d’un tiers de la production nationale, évaluée à environ 66 tonnes.

Selon plusieurs sources maliennes proches du dossier, d’importantes tractations visant à écarter Barrick Gold de la gestion des sites de Loulo et Gounkoto sont en cours à Bamako. Pas de manière brutale et directe, mais plus subtilement, dans la durée, sur fond d’une vaste réorganisation du secteur minier.

Refroidir les investisseurs étrangers

Depuis 2022, les autorités de transition ont effet adopté une série de mesures pour que l’État tire davantage profit des nombreuses mines d’or du pays. Création d’une Société de recherche exploitation minière (Sorem) pour accroître les bénéfices publics, vaste audit du secteur ou encore adoption d’un nouveau code minier en août 2023…

Ce nouveau texte permet à l’État de prendre jusqu’à 30% de participation dans les projets miniers, contre 20% auparavant.

Cette réforme, censée permettre que « l’or brille pour les Maliens », d’après le gouvernement, supprime aussi les exonérations fiscales jusque-là accordées aux entreprises au cours de l’exploitation. Des nouvelles règles qui pourraient refroidir des investisseurs étrangers, estiment des experts.

« Les autorités veulent exproprier Barrick Gold mais sans le faire trop ouvertement, affirme une source malienne proche des discussions. Après la remise du rapport d’audit du secteur, en août dernier, le ministre des Finances a écrit à toutes les compagnies minières installées au Mali pour renégocier leurs contrats d’exploitation. Mais c’est du maquillage. Leur vraie cible, c’est Barrick. »

Pression de Bamako

Sous pression gouvernementale, les dirigeants de la société canadienne affirment, eux, être sereins. « Nous n’avons aucune inquiétude pour nos permis d’exploitation à Loulo et Gounkoto. Ils sont basés sur le code minier de 1991 et pas sur le nouveau, assure un responsable local de Barrick Gold. Les autorités ne peuvent pas agir comme bon leur semble et changer un contrat à leur guise. »

Un argument qui fait sourire certains hommes d’affaires maliens, qui rappellent que les colonels au pouvoir à Bamako font au contraire bien ce qu’ils veulent, y compris avec les différents textes législatifs.

Fin janvier, Mark Bristow, le patron sud-africain de Barrick Gold, était de

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passage à Bamako comme il l’est régulièrement pour faire le point sur ses activités maliennes.

Le 25, il a été reçu par Alousséni Sanou, le ministre de l’Économie et des finances.

Contacté par Jeune Afrique sur les tractations autour de Loulo-Gounkoto, le service de presse du géant canadien a répondu qu’il « ne commentait pas des rumeurs ».

 

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