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Sénégal : l’amnistie bénéficiera partiellement à Ousmane Sonko

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Les partisans de Sonko à Dakar lors d'une manifestation croient à son éligibilité. (Ph: Dr).
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Le projet de loi d’amnistie, qui devrait être présenté aux députés dans la semaine, pourrait changer la donne pour l’opposant Ousmane Sonko, incarcéré depuis juillet dernier.

Actuellement, la situation électorale est devenue globalement illisible au Sénégal, depuis l’annonce par le chef de l’État Macky Sall du report sine die de l’élection présidentielle, le projet de loi d’amnistie, qui devrait être soumis à l’Assemblée nationale au cours de la semaine, risque fort d’ajouter encore à la confusion.

Cosigné par le président Macky Sall et par son Premier ministre candidat, Amadou Ba, le décret « ordonnant la présentation à l’Assemblée nationale du projet de loi portant amnistie » est daté du 1er mars, croit savoir le confrère du site de Jeune Afrique. Y sont annexés un bref exposé des motifs ainsi que le projet de loi lui-même, composé de cinq articles.

Monsieur le président de la République entend poursuivre la mise en œuvre des mesures de décrispation, au-delà du droit de grâce que lui reconnaît la Constitution. Projet de loi portant amnistie, « Dans le but d’apaisement du climat politique et social, de renforcement de la cohésion nationale, de consolidation du dialogue national et afin de permettre à certaines personnes qui ont eu maille à partir avec la justice de participer pleinement à la vie démocratique, Monsieur le président de la République entend poursuivre la mise en œuvre des mesures de décrispation, au-delà du droit de grâce que lui reconnaît la Constitution », peut-on lire dans l’exposé des motifs du texte rédigé par le gouvernement.

Infractions ayant des motivations politiques

« C’est dans cet esprit que le présent projet de loi intervient pour amnistier les infractions commises tant au Sénégal qu’à l’étranger et couvrant une période allant de 2021 à 2024 », poursuit le texte.

Précisant à la fois la période concernée et la nature des faits couverts par l’amnistie, l’article premier du projet de loi indique que « sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non ».

À la lecture du document, il semble donc probable que le candidat officiel des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef, parti dissous en juillet), Bassirou Diomaye Faye, pourrait bénéficier de cette mesure d’amnistie dans les deux affaires pour lesquelles il est actuellement inculpé et placé en détention provisoire.

Dès lors, rien ne serait de nature à entraver sa sortie de prison afin de lui permettre de concourir dans des conditions normales.

Pour son mentor, Ousmane Sonko, les choses apparaissent plus délicates.

Inculpé en juillet pour une série d’infractions directement liées aux troubles politiques survenus dans le pays en 2023 appel à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État, etc., Ousmane Sonko pourrait certes bénéficier de l’amnistie dans le cadre de cette instruction qui est à l’origine de son placement en détention provisoire.

Sonko à nouveau éligible ?

Il en irait sans doute de même dans l’affaire qui a valu au fondateur de l’exPastef d’être définitivement condamné pour diffamation publique face au ministre Mame Mbaye Niang, en janvier 2024, à une peine de prison avec sursis.

C’est cette condamnation qui est à l’origine de son inéligibilité, comme en a décidé en janvier le Conseil constitutionnel.

L’article 2 du projet de loi prévoyant que « l’amnistie entraîne […] la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachées à la peine », Ousmane Sonko redeviendrait alors éligible.

Il est toutefois une épée de Damoclès judiciaire qui continuerait de menacer le président de l’ex-Pastef.

Car sa condamnation par contumace à deux années d’emprisonnement ferme pour « corruption de la jeunesse » dans l’affaire Adji Sarr – une jeune femme de 20 ans à l’époque des faits qui l’accusait de viols répétés commis dans le salon de massage où elle travaillait ne serait, quant à elle, pas couverte par l’amnistie.

En effet, cette affaire privée ne relève pas du type d’infractions énumérées par le projet de loi et les viols allégués par la jeune femme auraient été commis, pour la plupart, avant la date du 1er février 2021 retenue comme point de départ de la période de deux années couverte par l’amnistie.

Au sein de l’opposition et de la société civile, cette initiative gouvernementale est par ailleurs décriée dans la mesure où elle aurait notamment pour effet de garantir l’impunité aux membres des forces de défense et de sécurité (Fds) soupçonnés de s’être rendus coupables d’exactions contre de nombreux manifestants, dont plusieurs dizaines ont trouvé la mort entre mars 2021 et juillet 2023.

Campagne chahutée

Si le projet de loi était adopté par les députés, ce qui semble probable au vu de l’alliance nouée récemment entre la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (Bby) et le Parti démocratique sénégalais (Pds) de Karim Wade, l’absolution judiciaire d’Ousmane Sonko viendrait donc compliquer encore davantage la donne dans une campagne présidentielle déjà chahutée.

Car jusqu’ici, la position de l’ex-Pastef comme celle de nombreux mouvements de l’opposition et de la société civile consistait à réclamer que le chef de l’État organise l’élection au plus vite, avec les 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel.

Donc sans Karim Wade, qui en a été écarté pour cause de double nationalité, mais aussi sans Ousmane Sonko.

En sera-t-il toujours de même lorsque le candidat des « Patriotes » sortira de prison, débarrassé de l’entrave judiciaire qui l’empêchait de concourir ? La question risque de devenir essentielle dans la mesure où celuici, pour revenir dans la course, devrait consentir une reprise fut-elle partielle du processus de sélection des candidats.

Un projet que défendent de concert la majorité présidentielle et nombre de candidats recalés en janvier, mais que les 19 candidats retenus – dont Bassirou Diomaye Faye ont rejeté catégoriquement.

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S’il est libéré au cours des prochains jours, Ousmane Sonko devra donc clarifier sa position sur ce dilemme instillé par la loi d’amnistie.

 

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