Le phénomène n’est pas nouveau, mais son ampleur a surpris. S’ils sont habitués à voir des poissons morts le long de la baie entre les mois de février et mars, les habitants du quartier n’ont pas souvenir d’avoir déjà vu une telle quantité de poissons échoués en même temps.
Sur les réseaux sociaux, les images de ces milliers de tilapias morts sont abondamment relayées et suscitent l’indignation de nombreux consommateurs.
Face à la psychose naissante, le gouvernement a donné une conférence de presse, le 12 mars, au ministère de l’Environnement. Selon Bernard Yapo Ossey, le directeur du Centre ivoirien antipollution (Ciapol), les poissons auraient été « asphyxiés par manque d’oxygène, dû à la pollution organique des déchets générés qui se sont retrouvés dans ce milieu », à savoir la lagune Ébrié.
« Après analyse, le taux d’oxygène s’est révélé très bas. Il y a eu une crise d’anoxie [chute brutale de l’oxygène dans le sang]. Les espèces les plus sensibles ont été touchées, dont les carpes », a-t-il précisé au confrère du site de "Jeune Afrique".
Pourquoi ce manque d’oxygène ? En raison de l’abondance d’eaux usées brutes qui ont récemment été déversées dans la lagune, répond Bernard Yapo Ossey. La veille de la découverte des poissons morts, de fortes pluies s’étaient abattues sur Abidjan.
Le directeur du Ciapol n’écarte donc pas l’hypothèse qu’un « ruissellement et du drainage des déchets à travers les canalisations vers la lagune, combiné au lotissement bas du quartier Abia Koumassi et au lessivement des sols », a conduit à ce manque d’oxygène dans la zone lagunaire.
« Vu qu’il y a une seule espèce affectée, c’est juste un phénomène environnemental et non un phénomène d’empoisonnement ou de déversement chimique dans la lagune », assure-t-il.
« Chaque Ivoirien est responsable de la pollution »
Les 2,7 tonnes de poissons morts ont depuis été enterrés, avec de la chaux vive pour empêcher la prolifération de germes dans le milieu. Au bout de quelques jours, le taux d’oxygène est remonté et la pollution a été circonscrite.
À la suite de précédentes affaires de pollution de la lagune Ébrié, des études ont été demandées au Bureau national d’études techniques et de développement (Bnetd) pour trouver des solutions durables.
Les premières conclusions devant en proposer sont attendues d’ici juin.
Quant à savoir pourquoi les gouvernements antérieurs et l’équipe actuelle n’ont jamais réussi à endiguer la pollution grandissante de la lagune Ébrié, Jacques Assahoré, le ministre de l’Environnement, a préféré pointer du doigt « l’incivisme » des Abidjanais.
« On ne peut pas indexer que le gouvernement, se défend le ministre. Chaque Ivoirien est responsable de la pollution de la lagune. Nous tuons la lagune Ébrié avec nos mauvais comportements […]. Prenons l’exemple de Venise. Elle est construite sur l’eau mais vous ne verrez aucun habitant y jeter des ordures. Ici, nous déversons tous nos déchets dans la rue et dans les canalisations. Ils finissent dans la lagune Ébrié. Il faut combattre cette mentalité ».
La construction de stations de traitement des eaux usées serait notamment à l’étude pour tenter d’assainir la lagune.