Les gendarmes sénégalais ont dispersé à l’aide de gaz lacrymogène, ce dimanche 4 février, à Dakar, des centaines de personnes venues manifester contre le report de la présidentielle, avant d’essuyer des jets de pierres, ont constaté les journalistes de l’Agence France-Presse (Afp) dans un article du confrère du site de "Le Monde".
Ces heurts sont consécutifs à l’annonce, samedi, par le président, Macky Sall, du report de la présidentielle prévue le 25 février.
A la suite de cette décision sans précédent, qui a suscité un tollé, l’opposition avait appelé à manifester dans la capitale sénégalaise dimanche et à maintenir la campagne électorale comme prévu.
Des hommes et des femmes de tous âges, agitant des drapeaux du Sénégal ou portant le maillot de l’équipe nationale de football, ont convergé en début d’après-midi vers un rond-point sur l’un des axes routiers principaux de la capitale, à l’appel de plusieurs candidats.
Les gendarmes, déployés en nombre, ont déclenché un tir nourri de gaz lacrymogènes pour les disperser. Puis ils se sont enfoncés à pied ou en pick-up dans les quartiers adjacents à la poursuite des manifestants en fuite. Ils ont alors essuyé de nombreux jets de pierres.
Les manifestants scandent: « Non à ce coup d’Etat constitutionnel »
Des jeunes scandant « Macky Sall dictateur ! » ont entrepris de dresser des barrages de fortune. « Nous sommes sortis pour dire non à cette forfaiture, non à ce coup d’Etat constitutionnel », a déclaré à l’Afp l’un des manifestants, Demba Ba, 36 ans.
L’un des candidats à la présidentielle, Daouda Ndiaye, a posté sur les réseaux sociaux un message où il assure avoir été « brutalisé » par les forces de l’ordre, et affirme que certains de ses collaborateurs ont été « arrêtés ».
Les autorités ont suspendu le signal de la télévision privée Walf TV, coupable selon elles d’« incitation à la violence » à la suite de la diffusion des images des protestations. Le groupe Walf a annoncé sur les réseaux sociaux un « retrait définitif de sa licence par l’Etat ».
Une première depuis 1963
Samedi, quelques heures avant l’ouverture officielle de la campagne, le président Sall a annoncé l’abrogation du décret fixant la présidentielle au 25 février. C’est la première fois depuis 1963 qu’une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal.
Le pays n’a jamais connu de coup d’Etat, une rareté sur le continent, alors qu’ils se sont succédé ces dernières années en Afrique de l’Ouest.
Macky Sall a invoqué le conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale, après la validation définitive par la juridiction de vingt candidatures et l’élimination de plusieurs dizaines d’autres.
A l’initiative de Karim Wade, un candidat recalé qui a remis en cause l’intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l’élection, l’Assemblée a approuvé la création d’une commission d’enquête sur les conditions de validation des candidatures.
Contre toute attente, les députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche. Elle a provoqué une vive querelle sur la séparation des pouvoirs, mais aussi nourri le soupçon d’un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter la défaite.
Le candidat du camp présidentiel, l’actuel premier ministre, Amadou Ba, est contesté dans son propre camp et fait face à des dissidents.