Société

Adjamé-Bingerville/Procès pour crime économique : Ces faits qui rattrapent le nouveau chef Mobio Aboussou Georges

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Le chef Mobio Aboussou Georges traduit devant les Tribunaux. (Ph: Archives)
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Ouvert le 25 juin 2024, le procès du nouveau chef d’Adjamé Bingerville, MOBIO Aboussou Georges, pour « crimes économiques » connaitra un tournant décisif le 16 juillet prochain. Absent à l’ouverture, le prévenu a été sommé par le juge d’être présent ce jour-là au Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau. Peut-être l’épilogue d’un long feuilleton judiciaire qui a débuté en 2022.

27 octobre 2022. MOBIO Aboussou Georges est face à la justice ivoirienne. Reconnu coupable d’«usage irrégulier du titre de chef » du village d’Adjamé-Bingerville, il est condamné à 6 mois de prison ferme. Libéré début mars 2023, l’homme est mis sous contrôle judiciaire en attente du deuxième dossier d’accusation pour « crime économique ». Le 16 octobre 2023, il obtient au forceps l’arrêté préfectoral signé par le préfet Goun Germain. Ce, au grand dam du doyen du village, Nanan Adékoi François, qui avait entériné et oint le choix d’Awaka Agbo Ghislain. Mais malgré le fameux parchemin, le nouveau chef qui est jusque-là, neuf mois après, dans l’incapacité d’émettre des documents administratifs pour gérer le village, doit de nouveau faire face à la justice. Toujours dans le cadre de « l’usage irrégulier du titre de chef » de village qui lui avait permis de poser un certain nombre d’actes au préjudice de la communauté d’Adjamé-Bingerville.

Mais malgré le fameux parchemin, le nouveau chef qui est jusque-là, neuf mois après, dans l’incapacité d’émettre des documents administratifs pour gérer le village, doit de nouveau faire face à la justice. 

Sur les faits à lui reprochés par la justice ivoirienne, les éclairages auprès de la cour de Nanan Adékoi François et les éléments de preuves en possession de la justice s’accordent : le groupe qui avait désigné et proclamé Mobio Aboussou comme « chef du village d’Adjamé-Bingerville » en 2019 ne s’est pas seulement limité à violer les us et coutumes de désignation du chef en pays atchan.

Durant son « règne illégal », il ressort des témoignages que Mobio Aboussou a été « autorisé » à poser des « actes de gestion » du village d’octobre 2019 à octobre 2022. C’est donc sur la base de ces « actes de gestions » qu’il a été arrêté puis condamné par la justice « pour usage irrégulier du titre de chef ». Avec l’ouverture officielle du procès pour « crime économique » le 25 juin dernier, l’opinion devrait être éclairée sur un certain nombre de points d’interrogations jusque-là restés sans réponses : qui avait « autorisé » Mobio Aboussou à poser des « actes de gestions » du village ? Quels sont ces « actes de gestion » et quels sont les éléments qui le prouvent ?...

Ces actes qui rattrapent le nouveau chef

Défiant le doyen Nanan Adékoi François et plus tard Awaka Agbo Ghislain le chef du village dûment désigné de l’époque, Mobio Aboussou et son groupe avaient signé leur coup de force en emménageant à la chefferie tenue alors par le chef Agbo Honoré toujours au pouvoir. Un fois installé à la chefferie avec sa ‘’notabilité’’, Mobio Aboussou et son groupe s’étaient mis en mission d’exercer et imposer leur ‘’pouvoir’’ dans le village. La liste des actes posés à cet effet et dûment énuméré dans le dossier d’accusation est loin d’être exhaustive. Entre autres, l’on se souvient que dans le commerce, les opérateurs qui refusaient de reconnaître Mobio Aboussou comme chef et lui reverser les loyers ont été violentés et leurs magasins fermés. Au cimetière du village, les hommes de Mobio Aboussou s’étaient emparés des clés du site. Aux familles endeuillées soupçonnées de ne pas reconnaitre le nouveau chef, il était exigé le versement de 5 millions de FCFA avant toute inhumation.

A cela, s’ajoute la perception des loyers des immeubles et magasins communautaires, le racket sur fond de menaces des opérateurs situés sur les terres du village. Dans le dossier d’accusation, l’on parle d’un total de 10 750 000 FCFA au titre des loyers mensuels indûment perçus par Mobio Aboussou et ses hommes durant leur ‘’règne’’. Cet élément figurerait d’ailleurs dans les faits de « crime économique » auquel l’homme aura à répondre le 16 juillet prochain. Encore qu’à la lumière des faits, tout cela ne serait qu’une infime partie visible des dessous de l’affaire qui a conduit pour la deuxième fois le nouveau chef devant le tribunal.

La caisse communautaire vidée sous Agbo Honoré

La responsabilité individuelle de Mobio Aboussou a été reconnue et déjà condamnée pour « usage illégal du titre de chef ». Mais la question de sa « gouvernance illégale » qui a permis la commission de graves crimes économiques appelle inévitablement des interrogations sur l’implication de l’ancien chef Agbo Honoré qui avait pratiquement co-géré le village avec Mobio Aboussou avant de se retirer à la fin du mandat des Dougbo.

En effet, dans le village, c’est un secret de polichinelle que la caisse de la chefferie a été déclarée vide après le départ du chef Agbo Honoré. Le constat a été fait par Awaka Agbo Ghislain alors nouveau chef officiel désigné après le départ du chef Agbo Honoré.

Officiellement pourtant, cette caisse avait été bien approvisionnée par la gouvernance Dougbo (dont est issu le chef Agbo Honoré) pour « accompagner » la gouvernance de la génération montante, les Tchagba. Mais jusqu’à ce que son arrêté soit annulé par le Conseil d’Etat, le chef Awaka n’a jamais eu accès à cet argent. « Il se trouve que l’argent [environ 1 milliard de FCFA, Ndlr] a été transféré sur d’autres comptes », apprend le Secrétariat général de la chefferie d’alors. Puis de rappeler ce détail surprenant qui a marqué la cérémonie de passation des charges avec la nouvelle chefferie en novembre 2021 : « Il a été demandé au Commissaire de Justice Maitre BLOA Jérémie de bien mentionner dans son rapport que la chefferie sortante dirigée par le chef Agbo Honoré, ne laisse aucun sous dans la caisse ».

Le moins que l’on puisse dire, sur le terrain, jusqu’à ce jour, l’heure n’est même pas encore à la pose de la première pierre de ce palais.

Pourtant, bien avant, lors de la réunion-bilan du 20 février 2020 dont la presse a fait l’écho, Agbo Honoré avait succinctement présenté l’état des biens mobiliers et immobiliers du patrimoine du village qui s’élevait à plusieurs milliards de FCFA. Il avait même énoncé le budget qui avait été sécurisé pour la construction du futur palais digne du nom du village.

Le moins que l’on puisse dire, sur le terrain, jusqu’à ce jour, l’heure n’est même pas encore à la pose de la première pierre de ce palais. « Encore faut-il avoir de l’argent pour le faire. Il n’y en a pas… », se désole l’ancien Secrétaire général de la chefferie Awaka.

Tout ceci expliquerait-il les manœuvres de l’ancien chef pour installer et entretenir la ‘’rébellion’’ de son ‘’filleul’’ Mobio Aboussou dans le but de couvrir ses « crimes économiques » ? Le procès du 16 juillet devrait pouvoir éclairer les lanternes de l’opinion publique et surtout de la communauté villageoise d’Adjamé-Bingerville.

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En effet, dans le village, l’on apprend que lorsque Mobio Aboussou et son groupe ont emménagé « de force » au siège de la chefferie en 2019, alors que le mandat du chef Agbo Honoré courrait toujours, ce dernier n’a eu aucune réaction. Il n’a pris aucune disposition légale (comme la Loi le lui permet) pour faire constater la « forfaiture » s’il estimait que cela en était une. « Avec le chef Agbo Honoré dont le mandat courait toujours, c’était le silence, voire l’indifférence. Même les plaintes de Nanan Adékoi qui ne cachait pas sa colère n’y ont rien changé. Le chef Agbo Honoré semblait se complaire dans le bicéphalisme de fait à la tête du village et cela intriguait tout le monde », rappelle ce sachant de la génération Dougbo qui a requis l’anonymat. Puis de conclure : « Alors, qui mieux que le chef Agbo Honoré qui avait toutes les cartes en mains, était capable d’une telle forfaiture dont Mobio Aboussou n’est que la face visible ? ».

Au demeurant, c’est peu dire que le procès qui entrera dans le vif du sujet le 16 juillet prochain promet de grosses révélations quant aux tenants insoupçonnés de la crise qui a fracturé le village d’Adjamé-Bingerville depuis la fin de la gouvernance Dougbo. Une fracture que l’ancien Préfet Goun Germain François a exacerbé en délivrant contre toute attente, le nouvel arrêté à un ancien prisonnier. Et ce après un simulacre de consultation populaire violant les us et coutumes du village. Une signature qui, depuis, a mis tout un village et une communauté administrativement à l’arrêt. En espérant que le procès pour crime économique qui s’ouvre soit également celui de la délivrance de ce village pris au piège des manipulations et tractations sous-terraines par des mains obscures pour des intérêts bien connus : l’immense foncier du village.

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