André HABA
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Derrière les sourires de circonstance et les amabilités convenues, certains de ceux réunis ce 24 janvier à la maison du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), à Abidjan, s’interrogent.
Ce jour-là se tient la passation de charges entre Tidjane Thiam, ancien banquier de 61 ans élu triomphalement un mois plus tôt à la tête du principal parti d’opposition ivoirien , et le président par intérim, le doyen Alphonse Kwassi Cowppli-Boni.
Selon le confrère de ''Jeune Afrique', quatre mois après la disparition d’Henri Konan Bédié, indéboulonnable président de la formation politique pendant trois décennies et unique candidat à sa propre succession au moment de son décès, ce changement de présidence charrie, à bas bruit, son lot de doutes.
Les cadres les plus anciens, aux postes souvent arrachés de haute lutte, feront-ils les frais de la volonté affichée du nouveau patron de moderniser la formation septuagénaire pour espérer un jour retrouver le pouvoir qui lui échappe depuis le coup d’État de 1999 ?
Seront-ils écartés au profit d’une jeune génération qui réclame une plus grande place depuis longtemps ? Quel traitement sera réservé aux plus ambitieux, à qui vient d’échapper la présidence du parti, mais aussi l’investiture à la présidentielle de 2025 – les participants au congrès électif de Thiam ayant adopté une résolution le portant candidat ?
Pour assurer la transition, une équipe placée sous la coordination de Sylvestre Emmou, député-maire de Port-Bouët, a été mise sur pied. Mais après ? Tidjane Thiam « prend son temps pour former sa nouvelle équipe », affirme son entourage.
Désormais figure de proue de l’opposition ivoirienne, le polytechnicien cherche la bonne formule pour imposer sa marque à la tête de l’ancien parti unique, au fonctionnement jusque-là très vertical et rigide, et au sein duquel fourmillent les ambitieux et cohabitent difficilement les générations.
L’unité, désormais comme mot d’ordre chez l’ancien parti au pouvoir
« Les grandes batailles se construisent dans l’union et la discipline […] Nous avons besoin de tous. Nous devons être à l’écoute de tous. Tous ensemble, nous réussirons sûrement. Je m’engage donc à renforcer la démocratie interne du parti par la promotion d’un processus de décision participatif et inclusif », a assuré l’ancien patron de Crédit Suisse (de 2015 à 2020) dans un discours d’une dizaine de minutes, tenu lors de la passation de pouvoir du 24 janvier.
Oubliés les achoppements pendant la campagne et les petits pics à destination de l’ancien administrateur du groupe de luxe français Kering, accusé par certains de méconnaître à la fois le parti et le pays en raison de son absence de Côte d’Ivoire pendant plus de deux décennies – alors ministre de Bédié, il avait quitté le pays après le putsch de 1999. Pour l’heure, officiellement, tout le monde au Pdci fait sien le mot d’ordre du nouveau patron dont la candidature a suscité l’enthousiasme chez les militants : l’unité.
Présents à la passation de charges, les anciens rivaux dans la course à la présidence du parti – l’ex-secrétaire exécutif Maurice Kakou Guikahué, Moïse Komoué Koffi, Noël Akossi Bendjo (qui avait rallié Tidjane Thiam) et le maire de Cocody, Jean-Marc Yacé – ont tous certifié se mettre au service du Pdci. « Votre présence est une belle illustration de la culture au Pdci », leur a lancé Tidjane Thiam.
Le député Jean-Louis Billon, candidat déclaré à la présidentielle de 2025, et le maire de Yamoussoukro, Patrice Kouamé Kouassi, dit « KKP », avec qui les relations ne sont pas au beau fixe, étaient également présents.
Le temps est à l’union sacrée. « Nous n’allons exclure personne.
Le but est que le Pdci sorte grand gagnant de sa réorganisation », rassure l’entourage de Tidjane Thiam, qui compte trouver le bon équilibre entre les générations, les ambitions et les courants. « Nous aurons toujours besoin des conseils des anciens, mais pas dans les instances dirigeantes, lesquelles ont besoin de renouvellement », estime toutefois un cadre qui a requis l’anonymat.
Plus de 4 000 nouveaux adhérents
Ces dernières années, la principale force d’opposition de Côte d’Ivoire, fondée dans les années 1940 par Félix Houphouët-Boigny, a perdu du terrain face au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp, au pouvoir) d’Alassane Ouattara.
Les résultats du parti lors des dernières élections locales ont été moins bons que pour celles de 2018.
Quant à la stratégie de boycott adoptée par Henri Konan Bédié lors de la présidentielle de 2020, elle avait fracturé un peu plus une formation dont certains cadres ont choisi d’adhérer au Rhdp, après une première hémorragie en 2018 au moment du divorce entre Bédié et Ouattara. À ceux-là, Tidjane Thiam répète que « la porte est ouverte ».
« Nous ne voulons débaucher personne, mais il ne se passe pas une journée sans que nous soyons approchés », assure un proche du nouveau président du Pdci. Alors que le parti a eu le plus grand mal à recruter ses dernières années, ce qui a fragilisé un peu plus ses finances, il peut désormais compter sur un peu plus de 4 000 nouveaux adhérents, dont « 70 % ont moins de 50 ans » s’est réjoui Thiam, conscient de l’enjeu du rajeunissement du mouvement.
Suspendue pour l’heure, la campagne de recrutement reprendra après la fin de la Coupe d’Afrique des nations.
