« La ville est triste, ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas ! », répète, les larmes aux yeux, Stéphane Kouamé, vendeur ambulant dans le centre-ville de Daoukro. Ce mercredi, jour de marché, la capitale de la région de l’Iffou, dans le centre-est de la Côte d’Ivoire, ne connaît pas sa frénésie habituelle. Et pour cause, « le baobab est tombé », se lamente Charlotte Aka, devant son petit salon de coiffure.
Notre papa à tous
Plus loin dans la rue, Yeo Silué, vendeur de tenues traditionnelles, explique : « Nous sommes en deuil, nous avons perdu notre papa, c’était notre papa à tous. » Le 1er août, l’ancien président Henri Konan Bédié est décédé à la suite d’un malaise. Héliporté depuis son fief, où il résidait principalement depuis quelques années, « le sphinx de Daoukro » succombera à la Polyclinique Sainte-Anne-Marie (Pisam) d’Abidjan. Nzueba – « enfant de la pluie », en langue baoulé – comme il se faisait appeler affectueusement, laisse les habitants de Daoukro orphelins.
Nous avons perdu notre leader, nous ne savons plus où mettre la tête.
Dans tout Daoukro, les habitants ploient sous le poids de leur tristesse et du ciel lourd de pluie, comme dans un poème de Baudelaire. La place principale s’appelle Henri-Konan-Bédié, et se situe tout près du domaine de plusieurs hectares de l’ex-chef d’État. Sur les murs, des peintures défraîchies rendent hommage à l’illustre enfant de la région. Certaines le montrent aux côtés de son prédécesseur et mentor Félix Houphouët-Boigny. Elles témoignent aussi de la reconnaissance des administrés.
Sur un large écriteau qui fut jadis blanc et vert, le portrait du sphinx, près duquel est peint en grosses lettres « Merci pour tout ». Autour d’une cabine de transfert de crédit d’appels et de mobile money installée sur le bitume de la place HKB, des anciens discutent. Parmi eux, un quadragénaire vêtu d’un tee-shirt orné du sigle du PDCI se désole : « Nous avons perdu notre leader, nous ne savons plus où mettre la tête. »
Rappelons que Henri Konan Bédié est décédé le 1 août 2023, dans sa 90è année. Pour honorer sa mémoire 10 jours de deuil national ont été décrétés. Plusieurs manifestations dont l'inauguration du pont de Cocody ont été reportés sine die. Les festivités marquant le 63è anniversaire de l'accession de la Côte d'Ivoire a l'indépendance ont été annulées. Juste une cérémonie de prise d'arme, au palais aura lieu.