Les Baoulés se sont déplacés nombreux en prenant d'assaut les différentes gares de transports à Yopougon. (Ph: Dr)
En dehors de l’aspect religieux et spirituel, la fête de Pâques a chaque année une autre connotation pour une ethnie majoritairement basée au centre de la Côte d’Ivoire. Vnewsci.com a effectué une incursion dans certaines gares à Yopougon, commune située au nord du District d’Abidjan pour rencontrer des voyageurs Baoulés. Reportage !
Il est 9 heures 40 ce vendredi 7 avril 2023, lorsque nous mettons les pieds à la gare de l’Union des transporteurs de Bouaké (Utb) à Yopougon 3e pont, aux encablures de la Brigade anti-émeute (Bae), dans le prolongement de la cité Abdoulaye Diallo. Cette gare d’Utb est bondée de monde. Majoritairement composés de Baoulé (Ndlr : Une ethnie qu’on retrouve au centre de la Côte d’Ivoire), les voyageurs sont en partance pour leur village ou campement respectif dans le pays profond. C’est-à-dire par exemple à Toumodi, Djékanou, Taabo, Dimbokro, Bocanda, Daoukro, Yamoussoukro, Tiébissou, Bouaké et à Divo, San-Pedro, Soubré, Sassandra (des villes qui ne sont pas du centre) où vont également les voyageurs baoulés à partir d’Abidjan ou d’autres villes du pays. « Je ne peux pas rater ‘’Pâquinou’’ (Ndlr : dans Pâques en langue Baoulé) de cette année-là. Je vais à Tiébissou à Assuikro où nous avons une grande réunion familiale le jour de la fête de la Pâques et une soirée dansante le samedi 8 avril dans le plus grand maquis du village appelé ‘’le Baoulé d’Assuikro’’. J’ai pris mon ticket, depuis 7 heures et, je suis au 12e départ alors qu’on est actuellement au 4e départ. C’est vrai que je vais beaucoup attendre. Mais, je m’en fous de la longue attente, le plus important est d’arriver dans mon village pour retrouver la famille et les amis du village… », a nous confié Sylvain Ziago-Brou, informaticien de profession, tout heureux d’effectuer le voyage en compagnie de son épouse et ses deux enfants.
"C’est vrai que je vais beaucoup attendre. Mais, je m’en fous de la longue attente, le plus important est d’arriver dans mon village pour retrouver la famille et les amis du village…"
Non de lui, nous approchons une étudiante répondant au nom et prénoms de Jeanne Kacou Bohoussou. « Je vais au village de mon père pour la première fois à Bouaké, précisément à Ahoko-gare-kan. Chaque année, je fête ‘’Pâquinou’’ chez ma maman à Toumodi, spécialement à Kocoumbo. Je vais pour découvrir le village de mon défunt père grâce à sa petite sœur, qui est ma tante. Elle m’a énormément parlé de ‘’Pâquinou’’ là-bas tellement que j’ai hâte d’y être afin de le constater. Ce sera l’occasion pour voir des tantes et oncles côté paternel. Je vais m’éclater c’est sûr… », a-t-elle expliqué. A la question de savoir si elle a déjà pris son ticket de voyage ? Elle répond : « Oui. J’ai déjà mon ticket que ma tante a acheté pour moi à 7 mille 100. Nous sommes sur le 16e départ. Actuellement c’est le 9e départ donc on n’a pas le choix, on va attendre un peu encore pour une bonne cause ».
« ‘’Pâquinou’’ permet au Baoulé de dire qu’il a un village en Côte d’Ivoire… », déclare un voyageur
Nombreux sont les voyageurs qui sont fiers de partir faire la fête de Pâques au village. Alexandre Attoungbé Yao, en partance pour Sakiaré (sous-préfecture de Yamoussoukro) est fier d’aller fêter au village. « Sauf un empêchement de dernière minute, je ne manque jamais la fête de Pâques chez moi au village. Je pense bien qu’avec ‘’Pâquinou’’, le Baoulé permet de démontrer qu’il a un village en Côte d’Ivoire. Lorsque nous partons au village, ce n’est pas seulement le côté festif. Mais, nous allons au village pour parler développement du village et régler les problèmes, les différends entre les familles ou entre les personnes en palabres », a déclaré Attoungbré Yao, un enseignant de primaires. En face d’Utb de Yopougon, se trouve Sbta (Société Bonkoungou transport de l’Agnéby) qui ne va pas certes dans les villes du centre de la Côte d’Ivoire, mais elle dessert la plupart des villes du centre-ouest et du sud-ouest du pays. Notamment Gagnoa, Divo, San-Pedro ou Soubré où il y a une forte concentration de campements des Baoulés qui cultivent le cacao, le palmier à huile…A cette gare notamment, Fulgence Konan Diby Dibla, élève en classe de terminale D dans un lycée public de Yopougon, voyage à Soubré dans un campement baoulé où vit son oncle, le grand frère de sa mère qui a 12 hectares de champs de cacao et 7 hectares de champs de palmier à huile. « J’ai envie de voir mon oncle, le grand frère de ma maman. C’est lui qui s’occupe de moi pour mes études et mon argent de poche à Abidjan grâce aux récoltes de ses champs. Je lui dois beaucoup et je dois me battre pour obtenir mon Bac cette année. J’ai l’habitude de partir là-bas chaque année de Pâques puisque j’y suis né. On mange naturel et bio au village. Il y a du vent frais à respirer au campement avec le bon bandji (Ndlr : jus alcoolisé extrait de palmier) et des rats », raconte-t-il. Les différentes sociétés se frottent évidemment les mains. Puisque leurs chiffres d’affaires vont bien être en hausse grâce à cette affluence des voyageurs. Malheureusement, les responsables de ces différentes gares n’ont pas voulu communiquer sur les recettes. Toutefois, ils ont reconnu que les tickets s’arrangent comme de petits pains.
André Lepro